Je me souviens du jour de ta naissance et des jours qui l'ont entouré. Je me souviens de cette joie et de cette évidence aussi. Toi, là.

Pierre, si fier, m'offrait sa sérénité et moi qui ne savais rien faire, je sentis naître en moi devant ce petit corps tout rond qui arrivait dans notre monde, un sentiment merveilleux et enivrant  qui changea toute ma vie, celui de me sentir mère.

Je me vois compter et recompter tes petits doigts de pieds. Et m'émerveiller de la couleur de tes yeux, si clairs, comme ceux du côté de ton père.

Je me souviens de ce besoin si fort de te regarder, pendant des heures, sans parler, juste te caresser ou te souffler la lumière de notre rencontre.

Il y a cinq ans jour pour jour que tu es née, une éternité qui a déjà filé. Et nous regardons ce petit caractère se forger avec fierté et parfois étonnement.

Combien de temps encore nous tiendrons-nous à tous nos petits rituels quotidiens ? comme celui du soir où je m'allonge à tes côtés pour discuter de la journée que nous avons passée ou de celles que nous allons traverser, rêver ou parler de tous ces pays que nous ne connaissons pas. Tu m'a dit un soir ton souhait d'aller vivre plus tard en Afrique. En ce moment, ce sont nos photos des Galapagos qui te font rêver et qu'il faut regarder, les otaries et ton papa qui nage avec, les iguanes et les fous à pattes bleues, la mer si bleue et mes cheveux qui arrivaient presque jusqu'aux fesses...il y a cette complicité aussi, de "se sentir fille" comme tu dis, juste le temps d'un vernis à ongles posé sur les ongles des pieds ou d'un spray de parfum accordé sur le dos de la main avant de sortir toutes les deux pour voir un spectacle. Il y a  tous ces bouquets de fleurs, cueillis ou achetés que tu m'offres depuis que tu sais marcher. Ma fleur

Toi qui aimes me prendre par la main et me la serrer. A mon tour, je prends la tienne pour m'emplir de ta gaieté et m'en inspirer. Je voudrais que jamais rien ne l'abîme et me fait la promesse que rien ne l'éteindra jamais.

ma petite insolente du moment, qui veut toujours avoir le dernier mot et qui n'a jamais tort,
Mademoiselle répond, argumente, toujours, nous fatigue et nous déconcerte.
Oui elle file ma rebelle
les cheveux au vent et surtout pas peignés, le manteau ouvert et le bonnet à la main parce qu'elle n'a jamais froid.
Elle qui, les joues roses d'avoir joué dans la neige toute la journée, saute, crie et danse en tutu sur le canapé
elle qui ne pense qu'aux copines pour jouer et  qui me dit hier après l'histoire du soir qu'elle trouve "sa vie un peu bizarre car dans sa vie elle pense toujours au chewing gum et que même si elle pense à plusieurs choses à la fois, il y a toujours les chewing gum dans un p'tit coin de sa tête ..."
petit corps déterminé qui ne nous dit même plus au revoir quand on la laisse au centre aéré et
qui "construirait bien un pont du Canada jusqu'à sa chambre pour que tout le monde puisse venir la voir dans son lit !"
ma désinvolte adorée...