Happy birthday mon papa poète !

parce que c'est son anniversaire et parce que je pense à lui
un texte de lui,

Elle pilonnait
La femme pilonnait
Elle pilonnait de son long pilon
Avec son pilon, elle écrasait le mil
Fortement
Lourdement.
Le lourd pilon qui lui faisait mal aux mains
Qui les durcissait
Et ses bras et son corps aussi qui vieillissait
Son corps qui avait été jeune et fort et attirant
Caressant et attirant.
Elle écrasait le mil de chaque jour
Avec son lourd pilon
Quotidiennement
Le mil quotidien.

Elle pilonnait et elle songeait
Elle songeait en pilonnant
Elle pensait à son enfant
Qui jouait avec le temps
Qui jouait sur la natte en attendant le mil
Son mil quotidien.
Et à celui qui dormait dans son dos
Il n'était plus en elle
Mais il était chaudement contre elle
Avec elle, encore avec elle
Il était encore quelque temps avec elle.
Elle pensait à celui qui s'en était allé
Affamé
Définitivement allé
Définitivement affamé
Eternellement rassasié.

Elle pilonnait et elle songeait
A ses autres enfants partis aux champs
Et à son mari dans le champ de mil
Le mil quotidien.
Et au grenier qui se vidait
Au mil de chaque jour
A celui qu'il faudra écraser demain
Avec son lourd pilon qui lui meurtrissait les mains
Les endorlissait, les durcissait
Qui les vieillissait.

Elle pilonnait et elle songeait
Elle pensait à ses femmes du village voisin
Le village plus loin que le sien.
On lui avait dit
Les passants avaient vu
Les femmes en parlaient
Le village en parlait
Les femmes du village au-delà du sien s'étaient regroupées
Elles s'étaient assemblées en groupement
elles étaient en groupement
Elles s'étaient étendues, écoutées
Les femmes s'étaient retrouvées
et le moulin était venu.
Et le pilon s'était tu.

Elle songeait en pilonnant
La femme
Elle pilonnait et elle rêvait.

         Jean Forgerit
         (sur la route de Tahoua à Agadez
          le 29 octobre 2005)